Lettre Albanel
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Copie à: Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice Copie à: Madame Michèle Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer et des Collectivités territoriales
Paris, le 18 Septembre 2007,
Madame la Ministre,
C’est avec étonnement et perplexité que j’ai lu vos propos à l’occasion de l’interview du Figaro du 13 Septembre 2007 [1].
On peut en effet y lire : “[La loi DADVSI] est une loi importante parce qu’elle installe l’idée que l’on ne peut plus faire n’importe quoi. Elle fournit des armes efficaces pour les actions à mener contre les pirates endurcis, ceux qui cassent les mesures de protection.”
Vous m’en voyez fort étonné, car bien que je ne pense pas rentrer dans la catégorie “pirate”, et encore moins “endurci”, je fais partie de ces “casseurs de mesures de protection” et, bien que je me sois personnellement dénoncé par deux fois, je n’ai jamais vu cette loi appliquée.
En effet, je maintiens toujours, depuis désormais plus d’un an, le site http://drm.mediaarea.net, sur lequel différents outils permettant de casser les mesures de protection pour les fichiers musicaux et vidéos sont mis à disposition de tous, et ce au su et au vu de la justice et de la police: je me suis présenté par deux fois au commissariat de police – une première fois avant la promulgation de la loi DADVSI et une seconde après la parution du décret de promulgation – afin de m’autodénoncer et j’en ai retiré deux mains courantes, un Procès Verbal m’ayant été refusé [2].
A la suite de ces entrevues au commissariat, j’ai également été entendu par la BEFTI (Brigade d’Enquêtes sur les Fraudes aux Technologies de l’Information) qui a transmis le dossier à la justice. Cette dernière ne m’a depuis jamais contacté: rien n’y fait, personne ne semble disposé à utiliser les “armes efficaces” que vous évoquez.
Je vous propose donc de vérifier les faits avant de vous exprimer publiquement sur le sujet et ce de manière manifestement faussée. Je vous propose ainsi d’utiliser votre “arme efficace”, afin que tous les Français puissent connaitre l’efficacité réelle de cette arme jamais utilisée. Plutôt que de réfléchir à une nouvelle législation un an après la mise en place de la loi DADVSI, il serait bon d’étudier son bilan et son application, comme l’article 52 de cette même loi le requiert par ailleurs [3].
En outre, je note que vous qualifiez du terme “pirate”, peu flatteur et inapproprié à mon sens, des consommateurs de culture pourtant légitimes: j’ai en effet acheté la musique et les films dont j’ai cassé les protections, mais ces dernières m’empêchaient l’usage légitime des oeuvres payées sur mes divers appareils de lecture personnels. Ce n’est pas en injuriant les acheteurs honnêtes que vous les motiverez à continuer d’acheter des produits dont ils ne peuvent même pas jouir légalement. A cet égard je vous invite à méditer ces paroles de Guillaume Champeau : “L’oraison funèbre continue de se dessiner sous les yeux d’une industrie de la musique enregistrée qui a commis essentiellement une seule erreur, mais de taille : ne pas écouter les demandes répétées de ses (potentiels) clients et leur répéter chaque jour qu’ils sont déjà des voleurs, ou des voleurs en puissance. Elle a brisé le lien magique qui lie les artistes à leur public, elle a brisé la confiance, et plus grave, le respect.” [4]
Veuillez agréer, Madame la Ministre, mes salutations les plus cordiales,
Jérome Martinez
Note: Veuillez trouver ci-joints les deux récépissés de main courante, dont je ne dispose malheureusement pas du contenu, la police ne souhaitant sans doute pas que je dispose d’une arme efficace contre la loi DADVSI.
[1] 13/09/07 – Le Figaro : Christine Albanel : “Il faudra être innovant”
[2] 20/09/06 – StopDRM : On veut un procès : opération des “interopérabilisateurs”
[3] 01/08/06 – Journal Officiel : Promulgation de la loi DADVSI
[4] 11/09/07 – Ratiatum : SNEP : les ventes baissent. Vite, chassons les pirates!